Ce que vous allez apprendre dans cet article :

  • Être écri­vain ins­tallé : un avantage ?
  • Être écri­vain et éditeur…

Daniel Walther, vété­ran de la SF avec une qua­ran­taine de livres publiés, me confie ce qu’un écri­vain doit faire pour aga­cer son éditeur.

Un roman de Daniel Walther est une de ces ren­contres de papier qui ne s’oublient pas. J’avais décou­vert ses textes dans la pile de pro­jets à lire, chez l’éditeur où je tra­vaillais à l’époque. À pre­mière vue, son manus­crit res­sem­blait à tous les autres. Pourtant, parmi les habi­tuels insi­pides manus­crits, son texte déto­nait, explo­sait. Nous l’avons refusé, car nous n’avions pas de col­lec­tion pour lui, mais j’ai tou­jours gardé le sou­ve­nir de ce puis­sant moment de lecture.

Et puis, quelques années plus tard, j’ai acheté Baba Yaga et autres amours cruelles. Moi qui adore les his­toires de sor­cières, je peux le dire, ce recueil est un des textes les plus réus­sis sur la ques­tion. Crudité, méchan­ceté, mys­tère, dom­mages phy­siques et men­taux, Daniel Walther sait assai­son­ner les mots pour en faire un petit plat bien cruel.

Il serait trop long de pré­sen­ter ici toutes ses publi­ca­tions : une quin­zaine de recueils de nou­velles, une quin­zaine de romans… Relevons-en un parmi les autres : Le châ­teau d’Yf (2004), un pur mor­ceau de fan­tas­tique mélan­co­lique belge, avec de vrais bouts d’érotisme dedans.

Daniel Walther
« Il n’y a pas de des­tin…
… qui ne se sur­monte par le mépris. »

Auteur, édi­teur, Daniel Walther a eu la gen­tillesse de répondre à mes questions.

NK : Daniel Walther, bon­jour. Est-ce que vous vous sou­ve­nez de votre toute pre­mière publi­ca­tion ? Pouvez-vous nous racon­ter un peu com­ment ça s’est passé ?

DW : Je me sou­viens très bien de ma pre­mière nou­velle pro­fes­sion­nelle : “Les étran­gers”, publiée fin 1965 dans la revue Fiction. C’était un texte classé “inso­lite”. Je l’avais envoyé sur les conseils d’un ami à Gérard Klein, qui avait trans­mis la chose à Alain Dorémieux. Ce fut ma chance, car Alain allait deve­nir un guide pré­cieux et au cours des années un véri­table ami… Par la suite, Fiction allait publier des dizaines de textes de ma plume. Mais mon pre­mier roman, Mais l’espace… Mais le temps… ne fut édité qu’en 1972… Avant d’être repris, dans une ver­sion étof­fée au Fleuve Noir, en 1981.

NK : Vous avez un pal­ma­rès d’éditeurs impres­sion­nant. Est-ce encore dif­fi­cile pour vous de pla­cer un texte ? Si oui, pourquoi ?

DW : Mon pal­ma­rès impres­sion­nant, comme vous dites, ne me per­met pas (plus ?) de pla­cer mes écrits (romans, recueils) faci­le­ment, car le lec­teur actuel ne me connaît plus guère… et même les 43 livres publiés entre 1972 et 2010 ne me garan­tissent qu’une très incer­taine renom­mée. Mon 44e opus – un recueil de nou­velles – est en lec­ture, et je poi­reaute comme un débu­tant. Mes quelques prix, comme le grand prix de la SF fran­çaise (en 1976 et en 1980) ne font plus rien à l’affaire. C’est la retra­ver­sée du désert édi­to­rial. Mais depuis quelque temps, l’on se sou­vient un peu plus sou­vent de mon existence.

NK : Vous avez été « dir­col » pen­dant dix ans ; se retrou­ver de l’autre côté du miroir, cela a‑t-il changé votre façon de voir l’écriture ?

DW : J’ai dirigé les édi­tions OPTA, Paris, dans les années quatre-vingts, soit trois col­lec­tions de SF et de fan­tasy, et j’ai adoré faire ce tra­vail de décou­verte et de pro­mo­tion lit­té­raires. Mais ce chan­ge­ment de situa­tion, cette tra­ver­sée du miroir n’a pas changé mon atti­tude envers la lit­té­ra­ture. J’ai sim­ple­ment ajouté une corde à mon arc. J’ai cumulé pen­dant quelque temps les fonc­tions de direc­teur lit­té­raire, de chro­ni­queur lit­té­raire et d’auteur, tout en tra­vaillant à temps com­plet en qua­lité de jour­na­liste. J’étais un homme très occupé et très fatigué…

NK : Qu’est-ce qui vous aga­çait le plus dans les manus­crits que vous receviez ?

DW : J’ai sur­tout publié des tra­duc­tion de l’anglais mais éga­le­ment un Roumain (V. Colin), un Allemand (R. Hahn), un Néerlandais (J. Carrossa) et une poi­gnée de Français (J.P. Hubert, P. Bameul, M. Benoît-Jeannin, P. Stolze). Je rece­vais sur­tout de manus­crits impu­bliables de jeunes génies qui me trai­taient par­fois de haut, quand ils n’étaient pas peu ou prou des pla­giaires… Un jour m’est par­venu un “roman” de fan­tasy, pompé de Robert E. Howard, une véri­table conâ­ne­rie pué­rile que j’ai fort poli­ment refu­sée. Et le génie en ques­tion m’a écrit que je ne com­pre­nais rien à rien et que ma col­lec­tion était de toute façon indigne d’accueillir une telle épo­pée (sic). Une autre fois, j’ai failli accep­ter un court roman très adroit. Mais il m’a laissé une drôle d’impression. J’ai repris le texte, et retrouvé le pot aux roses. C’était un pla­giat. J’ai retrouvé là (entre autres perles !) une resu­cée de poèmes de Federico Garcia Lorca. J’ai pondu une lettre salée à l’indélicat, qui n’a pas dai­gné se jus­ti­fier. Un autre “auteur” à qui j’ai pris la peine de télé­pho­ner à pro­pos d’éventuelles cor­rec­tions, pour rendre son texte plus abor­dable à une col­lec­tion de SF, m’a engueulé et accusé de “noyer le pois­son”, et je l’ai laissé se noyer dans sa mare de prétention…

NK : Pour finir, un petit mot peut-être sur vos « à paraître », ou sur vos pro­jets actuels ?

DW : À paraître ? Un gros recueil de nou­velles fan­tas­tiques… s’il trouve pre­neur… Et une série de nou­velles, dont quelques textes-hom­mages (Ballard, Masterton, Dick…), qui seront publiés cette année, ou en 2012, dans Mercury, la revue de J.P. Fontana, Galaxies SF, Borderline. Et, aussi, la pré­face aux nou­velles de Jean-Pierre Hubert réunies par Richard Comballot chez Rivière Blanche. Par contre, je n’ai pas de projet(s) de roman(s)… Même si trois romans éro­tiques traînent encore dans mes tiroirs, ainsi qu’une pièce de théâtre et une pièce radio com­man­dée par France-Culture et lais­sée pour compte par ces braves gens, qui ont autant de parole que des mar­chands de soupe… Mais au Diable ! Comme dit le phi­lo­sophe : « Il n’y a pas de des­tin qui ne se sur­monte par le mépris. »

Daniel Walther, je vous remercie.

Je rap­pelle que D. Walther a une page Wikipedia, à par­tir de laquelle on peut trou­ver tous sites et infor­ma­tions utiles.

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